La tristesse, le doute, la peur. Toute une gamme d’émotions très difficiles à supporter. Surtout lorsqu’ils sont réunis. Ërka sentait qu’elle devait quitter son peuple. Pour voyager, voir et apprendre. Mais surtout comprendre, mais cela elle ne le savait pas encore. Elle savait seulement qu’elle devait agir. Elle ne songeait pas aux conséquences, qui seraient nombreuses. Pas nécessairement mauvaises, mais il y en aurait plusieurs...
Quitter son peuple signifiait, devenir une étrangère à son retour et aussi les blessés en les quittant, eux qui l’avait si bien accueilli.
Partir vers d’autres horizons signifiait changer. Et accepter de changer. Devenir une autre personne, plus indépendante, plus savante aussi.
Ce qui nous emmène à dire, que partir signifiait accepter sa mission et avouer d’être prêt à l’accueillir et à l’accomplir.
Par contre, Ërka ne savait rien de cela. Elle était trop jeune. Mais le Père Élie, un curé très gentil et sympathique, qui avait su guider Ërka, sa jeune protégée, le savait. Il savait depuis longtemps que Ërka ne venait pas du peuple de l’air et qu’un jour elle devrait partir. Elle aurait une mission à accomplir. Il savait aussi ce que ce départ entraînerait.
Il avait envie de lui ordonner de rester, de l’enfermer même s’il le fallait. Mais il savait qu’il devait la laisser aller. Elle reviendrait si elle devait revenir. C’était à Dieu de décider.
Ërka avait les yeux embués. Elle s’arrêtait devant chaque scène, chaque tapisserie et chaque sculpture pour les contempler une dernière fois. Il n’y en avait pas beaucoup, alors elle en fit le tour assez rapidement. Elle se plaça près de l’hôtel, posa doucement sa main sur la bible. Elle ferma alors les yeux, puis laissa les souvenirs la pénétrer. Son premier souvenir fut sa première confirmation. Un moment inoubliable de sa vie. Un des derniers moments avec ses parents (adoptifs), puis sa confirmation, elle revit aussi son baptême, mais de façon très floue. Le dernier souvenir, la tira de sa rêverie tant la tristesse était grande. Les funérailles.
Cette église faisait partie intégrante de sa vie. Ses souvenirs les plus importants y avaient lieu. Mais elle ne voulait pas trop s’y attarder. Il ne cessait à rien de recasser sans cesse le passé.